Bonne année les coquins !
Depuis 8 jours nous sommes en plein dedans. Impossible de sortir de chez soi, d’aller acheter le pain ou même de répondre au téléphone sans qu’on nous la souhaite bien bonne, ou que pire, on nous demande ce qu’il faut nous souhaiter.
– Bonne année Adrien ! Qu’est ce qu’il faut vous souhaiter ?
– Etre ruiné, des boutons sur les couilles et une rupture d’anévrisme !
– Pardon ??
– La santé, du pognon plein les fouilles et être une enflure du capitalisme.
– Ah j’avais mal compris… Pourquoi une enflure du capitalisme voyons ?
– Pour te voir chialer à mes genoux connasse !
Bref, on se souhaite ses bons voeux, on se persuade que 2016 sera meilleure que 2015, les poissards de l’année écoulée ajoutant parfois que “ce sera pas difficile” tandis-que les plus satisfaits diront au contraire que “Si 2016 est meilleure que 2015, ça veut dire qu’à Noël prochain je me fais péter 10 jours aux Maldives”. Je veux dénoncer personne, mais la personne qui m’a dit ça à passé le réveillon à moitié alone dans une maison vers Bourgoin-Jailleu. Ca laisse un joli delta…
Pendant des années, c’est à dire quand j’étais jeune, fort, musclé, beau et mince, je demandais à ma grand-mère de me souhaiter du blé, de me fendre la gueule et de me trouver des petits avions à foutre dans le paddock, que j’appelais pudiquement “petites amoureuses”. Pour moi, les voeux de santé étaient réservés aux vieux ou aux gens déjà malades, justement pour les aider à s’en sortir.
C’était avant que le fait de vieillir et de ressentir de nouvelles sensations dans mon corps me rende hypocondriaque dernier degré. Il faut avouer que pendant des années, le contrecoup des soirées, de la malbouffe, de peu de sommeil… on s’en tapait les couilles par terre. Le souci c’est que cette période où le corps nous envoie l’addition est arrivée et que je ne l’ai pas vu venir.
De fait, un lendemain de bringue correspond pour moi à une longue période de questionnement interne concernant les contrariétés que mon corps me fait subir pour tenter de se remettre ce que je lui ai mis dans la face pendant la nuit, le tout en me grattant la langue et en me pinçant le front. Inutile de se le cacher ou de se mentir, je suis hypocondriaque dernier degré à tendance énorme tarlouze.
Mal à la tête à cause de l’alcool = tumeur au cerveau. Méningite pas exclue.
Main qui tremble en lendemain de bringue = AVC qui se prépare. Ou peut être un début de Parkinson.
Toux à cause des 45 closes fumées la veille = Cancer des poumons et potentiellement tuberculose.
Vertiges provoqués par une nuit de 2H = Malaise cardiaque en approche.
Crise de tachycardie dues à l’ensemble des réjouissances = Je descends dans la rue pour être retrouvé par les passants qui appelleront une ambulance pour me sauver la vie quand je serai tombé dans le coma.
Les fêtes n’étant pas la période la plus reposante de l’année pour l’organisme, je suis rentré de vacances gras comme un loukoum, des joues façon baudruche, des problèmes neurologiques plus ou moins reconnus par le corps médical, une crève de tous les diables et surtout la quasi certitude d’avoir chopé une chaude pisse. J’ai donc décidé que “bonne année, bonne santé” allait rimer avec “test HIV”.
Normalement on devrait pas en faire des tests HIV, parce que évidemment nous sommes sains, responsables, sages, et toujours très à cheval avec ça. D’ailleurs ma mère me le dit à chaque fois que je pars faire le débile quelque part dans le monde !
– Bon et puis, comment dire… sors couvert quoi !
– Maman c’est pas en sortant qu’il faut être couvert en l’occurence, c’est en rentrant.
– Oui oui bon, tu m’as très bien compris…
J’avais entendu une fois une phrase très juste d’un mec qui était venu faire de la prévention à ce sujet dans notre bahut. J’étais encore un puceau boutonneux qui confondait sodomie et fellation mais j’ai gardé cette phrase en mémoire:
– Ne pas mettre un préservatif à notre époque consiste à traverser l’autoroute à pieds en pleine nuit. A première vue il n’y a personne, mais une voiture peut vous faucher à n’importe quel moment.
Bref, j’ai badé, j’ai tachycardé, j’ai recensé des symptômes à peu près partout sur mon corps, et je suis allé me faire prendre un peu de sang pour analyser ce merdier à l’intérieur.
Ces tests sont putains de flippants. D’une parce que c’est un examen sans rattrapage, et de deux parce que la mise en scène est quand même bien étudiée, surement orchestrée par des spécialistes en psychose.
La première fois, je m’étais fait dépister à l’hôpital avec un pote, histoire de se sentir moins seul. Anonyme et gratuit, tout était parfait si ce n’est l’attente d’une semaine entre la prise de sang et les résultats. Une semaine pendant laquelle on scanne toutes les fois où on a fait de la merde et où on fait des pronostics sur la santé de nos partenaires nocturnes. On se dit que celle-ci n’a pas pu choper une maladie, qu’elle est trop bourgeoise et trop sage, que ça ne s’attrape pas avec une fille comme ça. Et puis on va sur Internet pour se rassurer, pour checker si la notion de population à risque existait toujours… A toutes les lignes c’est marqué “Si le SIDA touchait dans les années 80 une population majoritairement composée d’homosexuels et d’héroïnomanes, toutes les couches de la société sont désormais touchées.” Pour le suivi psychologique on repassera.
Et pendant ces quelques jours où on espère sans trop savoir, on a toujours les potes qui réconfortent.
– Je suis pas inquiet mon grand, t’as autant de chance de choper le SIDA que de gagner à l’Euromillions !!
Oui enfin t’en as un qui gagne toutes les semaines… Et le pire c’est cette phrase, le mec qui n’y connait rien, qui connait pas ta vie, et qui en plus va te foutre encore plus les jetons.
– De toutes façons t’es pas abruti, t’y mets une toujours une casquette sur le jockey non ?
– Bah justement, y’a 2 ou 3 fois où le jockey est tombé de cheval connard.
Une semaine après le test, donc, me voilà avec mon pote au guichet de l’hôpital, à présenter mon numéro de dossier pour qu’on me donne mes résultats.
– Bonjour Messieurs, on va vous donner un ticket dont la couleur correspondra à la salle d’attente dans laquelle vous devrez patienter jusqu’à ce que le Docteur vienne vous chercher.
Mon pote a eu un beau ticket vert, j’ai eu un putain de ticket rouge.
– T’inquiètes, ça veut rien dire la couleur des tickets !! me dit-il, tout en esquissant un petit sourire d’enculé. Ah tiens, c’est ta salle d’attente rouge celle là. A toute lapin, courage.
Je rentre dans cette putain de salle d’attente où 3 personnes attendaient la sentence. 2 blacks, un homo tellement PD qu’il était plus femme que sa mère.
J’envoie un texto à mon pote:
– Bordel c’était pas une connerie les tickets. Dans ma salle d’attente y’a 2 blacks qui ont chopé le SIDA au Liberia et une tarlouze qui a une gueule à se faire farcir la rondelle dans toutes les backroom de la ville. Ils nous ont classé en fonction de nos résultats putain. C’est comment chez toi ?
– Dis donc le SIDA te rend raciste et homophobe ? Je savais que ça rendait pas bien en forme, mais de là à devenir con je suis étonné ! Chez moi RAS, y’a même une petite blonde avion de chasse à côté de moi qui a une gueule à vouloir remettre en jeu sa séronégativité avec moi après les résultats.
Fort heureusement, nous étions négatifs, et l’honneur fut sauf puisque l’autre grand con n’a pas chopé la petite blonde.
Dans l’esprit d’un hypocondriaque dernier degré, la différence entre un organisme qui se rebelle après s’être fait massacrer pendant les fêtes et la présence de MST partout dans le corps est très mince. Du coup, une gorge irritée, l’envie de pisser un peu plus fréquente que d’habitude: pas de doute, je vais mourir.
L’ancienne stagiosse me le dit: Adrien, tu vas quand même aller emmerder un laboratoire parce que t’as la crève et que t’as l’impression d’avoir mal partout ?
J’ai dis nique à tout le monde, j’ai appelé le labo, j’ai expliqué que je voulais savoir si j’allais bientôt crever ou si ma bite allait fondre, et je suis allé pisser dans mon bocal, tranquille le chat.
– Madame, vous pensez que j’aurai les résultats quand ?
– Entre 2 et 3 jours je pense.
– Ecoutez je suis désolé de vous poser cette question, vous allez me prendre pour un hypocondriaque, mais est-ce que vous constatez beaucoup de MST en ce moment ?
– M’en parlez pas, il y’a une grosse recrudescence.
Bien que j’admire sa franchise, la biologiste a bien fait se ne pas s’orienter vers la psychologie.
– De toutes façons vous aurez vos résultats d’analyses sur Internet. Logiquement vous aurez d’abord le sang, puis les analyses d’urines.
Après 2 jours sans fermer l’oeil, à faire des pronostics perdants, l’heure d’aller sur le site voir les résultats est enfin venue. Qu’on soit clair, je partais pas dans la peau d’un favori. Analyses d’urines: disponibles. Analyses sanguines: En cours de traitement.
Putain je vais crever !!
– Bonjour Madame, voilà je suis sur votre site Internet là, je check mes résultats, et y’a pas mes analyses de sang, uniquement les analyses d’urines…
– Ah bon ?? C’est étonnant ce que vous me dites, normalement c’est le contraire. Il doit y’avoir un souci alors… Donnez moi votre nom s’il vous plait Monsieur ?
Crise de tachycardie, le téléphone qui fait oreille gauche/oreille droite en moins de 2 secondes et les lèvres qui se synchronisent pas avec les codes vocales:
– Agnurien Nouzachon
– Pardon ?
– Adourian Busasson
– Monsieur ça passe mal, redites moi ?
– Adrien Besançon
– Ah bah écoutez oui, ça aurait du être mis en ligne mais il y’a du avoir un oubli… pas de souci hein, tout est OK dans vos analyses !
– Vous voulez dire que je suis en pleine forme ?
– Tout à fait Monsieur, bonne journée.
Même si ces quelques jours sont flippants et qu’effectivement la sentence est irrévocable, il est important de savoir où on en est, et d’attaquer l’année royal au bar, certain d’avoir les valseuses en pleine santé et un sang pur comme une oie blanche !
L’Effronté ne peut que vous conseiller de vous faire dépister également, et surtout de rentrer couverts…
TGIF les petits copains, et bonne année !!!
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