Salut les coquins,
Déjà la fin de la semaine et pour être franc c’est pas dommage. Entre le début de l’Euro et ce petit parfum de vacances qui flotte malgré ce temps de merde, j’ai autant envie de bosser que de me faire reluquer les miches sur une plage de Mykonos.
Définitivement, ce fut une semaine de merde. Déjà parce que, effectivement, il fait un temps de merde, mais parce qu’en plus la frustration de moisir dans un bureau aussi lumineux qu’un cul de Sénégalais alors que je pourrais me régaler toute la journée devant l’Euro me rend dingue.
Tel le roi des animaux se léchant les couilles en contemplant la savane, je vais devoir revenir pour les besoins de la narration sur un trait marquant de ma petite personne, mais j’ai monté ma boite, et puis une ou deux autres comme ça histoire de pas mettre tous mes oeufs dans le même panier. Voilà, c’est dit.
Bon, et donc du coup, de part ces activités professionnelles que nous avons la faiblesse de croire prestigieuses quand on voit ça de l’extérieur, nous sommes constamment emmerdés par de le paperasserie administrative aussi fastidieuse qu’inutile.
Et donc clairement, si cette semaine m’a fané les glynches avant même d’avoir commencé, c’est parce que nous étions en semaine de TVA, d’émission et de règlement de factures, de remplissage de papiers aux normes CERFA et de coups de téléphone avec des connasses binaires mal baisées, mal payées et mal embouchées.
Quand j’ai commencé à monter “mes” boites, je me disais que le vrai luxe serait le jour où j’allais pouvoir me payer, où j’allais commencer à embaucher et/ou le jour où j’allais m’envoyer un gros Range Ranger HSE sur le cul de l’entreprise. Sincèrement, j’en suis revenu ! Le vrai luxe, c’est d’avoir les moyens d’embaucher un responsable administratif et financier, de se pointer dans son bureau et de lui jeter à la gueule tous les papiers qui dépassent des tiroirs et du porte-feuilles.
– Bonjour Margaux vous allez-bien ?
– Oui et vous ? Qu’est ce qu’il vous faut ?
– Bah voilà, je vous amène tout le courrier reçu cette semaine, toutes mes notes de frais avec les tickets de caisse qu’il faudra classer, libeller, inscrire au tableau et renvoyer à la comptabilité, toutes les factures reçues qu’il faut classer au tableau des dépenses et toutes les factures à éditer puis à envoyer aux différents destinataires. Merci pour tout.
– Très bien, ce sera tout ?
– Non pas du tout, il faudra aussi téléphoner au RSI suite à leur courrier du mois dernier, voir avec Engie cette histoire de facture de gaz, appeler aussi la banque pour qu’ils nous renvoient le mandat SEPA de prélèvement automatique et voir avec l’assurance pourquoi nous n’avons pas été remboursé du dernier sinistre avec la voiture de fonction. Ah oui, et en parlant de la voiture de fonction, il faut impérativement téléphoner au centre des PV pour dire que c’était pas moi dans la bagnole quand je me suis fait flasher, et tant que vous les avez vous pouvez régler les prunes de stationnement du mois dernier. Ensuite, si vous avez le temps, vous appellerez l’avocat pour la modification des statuts en lui demandant s’il a bien appelé l’expert-comptable pour le bilan et l’extrait K-bis.
Rien que de rêver à tout ça en écrivant ces lignes, je me suis mis en mi-molle tout seul.
Surtout, ce petit dialogue malheureusement parfaitement fictif n’exagère pas la réalité du quotidien administratif que subissent les entreprises françaises, des TPE aux mastodontes du CAC 4O en passant par les artisans et les professions libérales.
En école de commerce on nous avait appris un truc primordial. Un truc tellement essentiel que c’était la première notion apprise dès la première heure du premier jour de la première année. Cette leçon avait été posée de manière interrogative par le prof.
– Question bête: quel est le principal job d’une entreprise ?
Tout le monde y’était allé de sa petite réponse de merde. Les fayots du premier rang sont partis sur le côté management des équipes tandis que ceux du fond préféraient causer qualité des produits distribués et contrôle de je ne sais quoi.
Le prof nous a laissé déblatérer nos théories de puceaux naïfs, nous a regardé et a dit.
– Jeunes gens, sachez que le premier métier d’une entreprise, petite comme grande, américaine comme africaine, industrielle ou tertiaire, c’est de facturer et de faire rentrer le pognon dans les caisses.
J’étais fasciné par cette réponse, autant par son cynisme que par sa logique implacable.
Plus tard, lorsque nous regardions les prévisionnels avec mon expert-comptable au moment de la création de la boite, je m’alarmais sur les charges hypothétiques, les impôts, les cotisations diverses et variées… enfin tout ce qui allait coûter un saladier quoi. Il m’a regardé avec un air très calme et m’a confirmé la théorie lancée par ce fameux prof.
– Ecoute, tout ce qu’il faut que tu fasses, c’est du chiffre d’affaires. Le reste, ça ira tout seul.
C’était donc vrai, mon premier job allait donc être de partir à la pêche aux talbins, enchainer les rendez-vous, signer des contrats, suivre les clients et encaisser du blé. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais c’est un métier à plein temps, et même bien plus que ça.
Malheureusement, toutes ces putains de charges administratives nous empêchent de faire ce pourquoi nous vivons et surtout ce qui nous fait bouffer.
Et puis surtout, ne nous le cachons, je procrastine. Pour les incultes, la procrastination est une tendance à tout remettre au lendemain par flemme de le faire le jour-même. Cette pratique bien connue et très en vogue permet surtout de se la toucher en se laissant une forte dose de bonne conscience.
En fait, si je rêve d’avoir quelqu’un qui s’occupe des tâches administratives, ce n’est pas pour me soulager, c’est surtout pour qu’elles soient faites…
Comme le sémillant Thomas Thevenoud, éphémère ministre viré pour cause de nombreux impayés auprès du trésor public, j’ai une certaine phobie administrative. Il faut dire que les journées sont courtes, et que si on veut gagner 3 ronds, il faut savoir utiliser toutes les heures qui nous sont proposées pour aller à la pêche aux clients, et ne pas se gaspiller dans des courriers et coups de fil sans fin…
Pour ne pas paniquer devant toutes ces tâches ingrates, non rémunératrices et donc pas franchement utiles, j’ai par conséquent opté pour la procrastination.
Tout remettre au lendemain, en voilà une bonne idée.
Petit, j’étais déjà un spécialiste faut dire. Les profs le disaient pourtant à chaque rentrée:
– Pour ne pas être pris au dépourvu, il faut travailler un petit peu tous les soirs en rentrant chez vous.
Sans déconner je n’ai jamais été foutu de le faire.
A chaque fois qu’on se tapait un énorme dossier à rendre, je paniquais en voyant arriver la date fatidique et j’essayais de me rassurer en allant discuter avec un mec encore plus tocard que moi.
– Dis donc, t’as avancé sur le dossier à rendre pour vendredi ?
– Celui qu’on nous a donné depuis 4 mois et qui est à rendre dans 3 jours ?
– Oui… bah oui celui là !
– Du calme mec, on a encore 3 jours et 3 nuits, on est large !!
Et évidemment j’y passais 3 jours et 3 nuits sans dormir, en m’insultant moi-même d’être aussi con mais sans pour autant me convaincre de la jouer différemment la prochaine fois.
Une fois même, j’avais été tellement à la bourre que j’avais enchaîné 2 nuits blanches de suite. Le but du jeu était de poser un putain de dossier de 120 pages pour le lundi 8H, puis d’être d’aplomb pour une soutenance en fin d’après-midi.
Si j’avais finalement réussi à être dans les temps pour torcher la rédaction du dossier, je me suis fait avoir par le B à BA. Ce facteur risque que tout procrastinateur professionnel redoute plus que la mort et la maladie: l’imprimante qui merde.
Alors évidemment c’est injuste. Pourquoi bordel est ce qu’on a bossé 48H sans dormir et qu’on va finalement passer pour un glandu à cause d’une putain d’imprimante qui refuse de faire son boulot ??? Et bah justement parce qu’on est un glandu.
Et dans ces cas là les copains ne se gênent pas pour nous le faire remarquer.
– Tu crois que si je lui explique que j’ai eu un bug d’imprimante il va pas trop me casser les couilles pour la demie-heure de retard ?
– Heu… Une demie-heure de retard parce que t’as pas été foutu d’imprimer ton dossier avec un peu de marge alors qu’on doit le faire depuis 6 mois ? Je suis pas certain que ça arrange ton cas non…
Et si finalement la procrastination était une tare d’aventuriers ? De gens qui aiment un peu le goût du risque et l’adrénaline ?
Non, on ne va pas se leurrer, c’est une tare de connard, au mieux de feignasse, au pire de losers, même si certains tentent de se justifier avec cette fameuse phrase qu’on a tous entendu 200 fois.
– Par contre t’es au courant que je t’avais demandé de me faire ça pour demain et que je veux un truc parfait ??
– Ouais ouais, non mais moi je suis jamais aussi bon que dans l’urgence, t’inquiètes.
Jamais aussi bon que dans l’urgence… Le truc parfaitement impossible, même s’il est vrai que certaines personnes soient talentueuses et fainéantes, et que donc une fois qu’ils s’y mettent, ils sont bons. Mais ils auraient été bons même avec une petite marge de sécurité à mon avis…
Il y’a en revanche des moments dans l’existence où 90% de la population procrastine salement. Sûrement sous le coup de l’alcool, les gens n’en ont absolument rien à foutre que ce soit le bordel chez eux pendant qu’ils organisent une bringue.
Si en temps normal, on pète un cable dès qu’on fait tomber un peu de cendre par terre ou qu’on renverse un verre d’alcool bien collant sur le parquet verni, pendant une bringue on n’en a rien branler.
– Mec tu feras gaffe, je crois que t’as renversé la moitié de la quille de Get sur le parquet là !
– Ah ouais merde ! Bah c’est pas grave, on rangera demain…
Mais revenons en au boulot. S’il est important de classer son boulot par ordre d’importance, et donc de prioriser les tâches essentielles sur les tâches secondaires, l’administratif, aussi chiant soit il, se doit d’être fait.
Un pote me disait récemment qu’il n’avait jamais été aussi heureux qu’en ce moment parce qu’il avait enfin réussi à se mettre un coup de pied au cul et de s’occuper de tout ce merdier dès que ça arrivait, sans perdre de temps.
Personnellement, sur la paperasse, je mets environ 2 semaines pour ouvrir le courrier, 1 semaine pour le lire, une autre pour me convaincre qu’il faut que je m’en occupe, puis j’attends que l’organisme en question m’appelle pour régler ça directement par téléphone…
Mais le vrai souci avec la procrastination, ce n’est pas tellement de faire les choses avec un jour de retard, c’est plutôt qu’un jour on aura tellement de choses à faire qu’il nous faudra toute la vie pour s’en occuper…
TGIF les copains, et profitez en pour ne surtout rien foutre !
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