TGIF – THANKS GOD IT’S FRIDAY | Première rentrée pour mon grand bébé

by • Sep 02, 2016 • T.G.I.F.Comments (0)9293

Salut les coquins,

C’est avec une appréhension de pucelle accrochée au radiateur que je prends la plume ce jour après un mois d’absence. Et si après cette trêve internationale je ne savais plus écrire et que j’en devenais chiant comme la pluie ?

Si jamais c’était vrai ce ne serait que de ma faute. Parce que clairement, j’aurai bien pu gratter deux ou trois trucs ici pendant le mois d’Août, mais j’avais vraiment pas du tout envie.

Aucune envie de devoir trouver des idées, de me creuser le bonnet et de structurer quoi que ce soit pendant ce mois où la France se faisait rôtir les beignets sur les plages du monde entier.

Enfin du monde entier oui et non. Comme les chemises et les cuisines, les lieux de vacances sont aussi soumis à une mode impitoyable. De fait, il y’a clairement des destinations hype, vers lesquelles les connards comme moi se ruent histoire de croiser les mêmes têtes de cul que le reste de l’année, mais au soleil.

Ça s’est d’ailleurs clairement fait sentir sur Facebook. Au coeur du mois d’Août, j’en suis même venu à me demander si la population de Mykonos, Paros, Santorin, du Portugal et de Ibiza n’avait pas triplé.

Bref, après la grand messe annuelle des réseaux sociaux où tout le monde y va de son check-in et de sa photo avec les panards dans le sable ou avec une quille de rosé et la mer derrière, me voici, jeune presque trentenaire, face à une nouvelle mode qui me rend vieux et qui me fatigue déjà. Je parle bien évidemment des photos du rejeton, sourire de ravi de la crèche, le cartable deux fois plus gros que lui sur le dos et une paire de Stan Smith pointure 24, avec écrit “Première rentrée pour mon grand bébé”. 

Déjà, cette publication entraine chez moi terreurs nocturnes et vomissements. Mais quand en plus on se sent le courage de lire les commentaires niveaux bibliothèque rose des copines, “Oh trop chou, il va toutes les faire tomber”, on a carrément envie de se coincer les rognons dans la baie vitrée.

Myskina, déjà que cette période de rentrée scolaire fout le bourdon à tout le monde, évitons de nous donner le coup de grâce.

Si pour certains la rentrée des classes rappelle de bons souvenirs, pour moi c’était carrément l’horreur.

Depuis le 15 Août déjà, je comptais les jours qui me séparaient de cette putain de date fatidique à partir de laquelle j’allais m’en prendre plein la carafe pendant un an.

Il faut dire que si j’étais pas trop mauvais pour faire glousser les boutonneuses dans le fond de la classe, question assiduité et sérieux j’étais plutôt en queue de peloton.

Tous les ans, au mois de Mai, je flippais ma race à l’approche du dernier conseil de classe qui validait ou non le passage en classe supérieure. Parce que même si j’étais une tanche et que je faisais mes devoirs en téléchargeant des boulards sur eMule, j’avais quand même pour ambition de faire des études et de travailler avec une cravetouze Hermès dans un beau bureau.

Il faut dire qu’à l’époque on ne nous annonçait pas les résultats par mail, permettant, à la rigueur, de chialer dans son coin ou de se raffiner à l’éther pour noyer son chagrin en solo, mais à l’oral.

Je me rappelle de ce putain de cérémonial du lendemain de conseil de classe, à 9H, quand la prof principale se pointait avec son gros dossier sous le bras.

Il y’avait les têtes de classe, décontractés de la fesse, assez impatients de se faire tailler le crayon par le corps enseignant avant de partir pour des vacances bien méritées. Mais pour les débiles comme moi, blancs comme des merdes de laitier, les fesses qui font bravo et les dents qui jouent des claquettes, l’ambiance était plutôt à la morosité.

Coup de bol, le classement alphabétique jouait en ma faveur et me permettait d’abréger le suspens assez vite. Surtout en 4ème, où j’ai joué le maintien à la différence de buts, et où la prof principale s’était contentée d’un très peu psychologue énoncé des noms avec “Passage en 3ème générale” ou “redoublement”. 

Pour éviter de mouiller les couches une nouvelle fois, je passais l’été à me persuader que cette fois-ci j’allais m’y mettre une bonne fois pour toute, parce que comme disait ma mère “Franchement, avec les capacités que t’as, c’est un crève coeur de te voir végéter en fond de classement tous les ans !!”. 

Du coup, à chaque rentrée scolaire, je me pointais à la rentrée dépressif au dernier degré mais avec la motivation inébranlable d’envoyer grosse gomme.

– Non mais Maman, cette année je vais vraiment tout faire pour être tranquille et ne pas avoir peur des conseils de classe. Je me suis fait un planning pour travailler un petit peu tous les jours, histoire de m’avancer et de ne pas être pris au dépourvu.

Evidemment personne n’y croyait, surtout pas ma mère. Elle me souriait, dans le doute, histoire de m’adresser de timides encouragements, mais elle connaissait la suite.

La suite c’était le jour de la rentrée. La connerie suprême de ces bahuts de centre ville c’est qu’on se connait tous depuis des années et que, pour des crétins comme moi, le numéro d’une classe résonne comme le nom d’un bungalow du Club Med.

Nous, ce qui nous intéressait, c’était pas le planning et encore moins le nom du prof principal. Ce qu’on voulait savoir, c’était si les copains étaient dans la même classe, et surtout si y’avait de la meuf !

– T’es tombé dans quelle classe toi ?

– 3ème C et toi ?

– Putain trop bien comme moi !!

– Chanmé mec !! Tu sais qui il y’a d’autres ? 

– Je crois qu’il y’a Margaux… Il parait que cet été elle a enlevé son appareil et qu’elle a pris des seins…

– Royal !!!

Et du coup, la suite, c’est qu’au mois d’octobre on avait déjà pris 8 heures de colle, 0 en maths, 4 en physique et un râteau par la fameuse Margaux. Et je ne parle pas du conseil de classe de fin de premier trimestre, dont la conclusion à mon endroit fut la suivante: “Adrien n’est toujours pas rentré de vacances. Réagissez !!! A l’heure actuelle, votre passage en seconde générale est utopique”. 

Petit résumé assez laconique mais plutôt bien vu, puisque, évidemment, les portes de la seconde me sont restées fermées pour un an. Mal pour un bien d’ailleurs, puisque j’avais gagné mon statut de rebelle auprès des filles, de trou de balle rigolo auprès des copains, et que j’ai pu passer l’été à dire “j’ai tellement adoré la 3ème que je la refais cette année”. 

Enfin tout ça pour dire que, non, la rentrée des classes n’est pas un moment heureux. Surtout pour ces pauvres gosses à qui on fait croire sournoisement qu’on les emmène dans un monde magique, où ils vont se faire plein de copains et préparer leur avenir.

Moi, depuis hier, tout ce que je vois sur les réseaux sociaux, ce sont des parents tout contents de prendre en photo leurs gosses qui partent pour 20 ans ferme dans un système répressif et éliminatoire, et qui en conduira une bonne partie au chômage.

Et puis ce que je vois, surtout, c’est qu’il y’a trois fois plus de photos de la rentrée des classes que des copains en train de boire l’apéritif…

Je sais bien que c’est qu’un sale moment à passer, que la vie me rappelle à ma condition de trentenaire irresponsable, mais quand je pense à tout ce déversement de mièvreries et de bonheur simulé qu’on va se taper pendant les fêtes, avec des gluants à peine dépotés en train de s’agglutiner autour du sapin, j’en ai déjà des hauts le coeur.

TGIF quand même les copains, et bonne reprise !

 

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