Salut les coquins,
Je ne suis pas mécontent d’avoir éveillé en vous certaines nostalgies la semaine dernière, alors que je recensais quelques unes des caractéristiques communes à la génération née dans la deuxième moitié des années 80.
Cette culture que nous partageons tous est un bien on ne peut plus précieux et finalement très éphémère. A 3 ans près on peut par exemple ne pas se souvenir d’un broc de la Coupe du Monde 98, être passé à côté de Beverly Hills ou des énormes meules de Pamela Anderson dans Alerte à Malibu, et ne jamais avoir fumé sa clope dans le wagon fumeur des TGV, à l’époque, oranges.
Cette semaine, une vieille dame née en 1985 m’a même confessé, suite à la lecture de mon article, ne pas avoir connu les Minikeums… Et si finalement deux années pouvaient suffire à faire une époque ?!
Ceci dit, tout ne fut pas parfait. Si les nombreux appels et messages inhérents à ce genre de journée nous permettent de ne rien branler au bureau, de reprendre contact avec des vieux potes, de se rappeler aux bons souvenirs de bonnes amies peu farouches et même de congédier certains créanciers en leur demandant de rappeler plus tard pour cause de “J’ai 30 ans aujourd’hui”, on constate également une nouvelle mode: le social media bashing.
Bordel de Dieu, qu’est ce que c’est que cette mode d’aller fracasser publiquement un copain en publiant des photos de merde ?
Evidemment que c’est moi qui suis dessus, que c’est moi qui avais trop bu, que c’est moi qui montrais ma bite sur un comptoir, que c’était dans mon cul qu’on avait planté la bougie pour fêter mes 22 ans et que c’était bien mon zizi que je tentais d’introduire dans le pot d’échappement d’un Range Rover pour amuser la galerie, mais quel besoin de publier ça sur Internet ?
Beau joueur, j’ai tout de même conclu cette journée de féerie par un petit message de remerciement, m’émouvant devant tant d’amour, de compassion, de considération même, face à tous ces bons voeux.
Je vais être franc: mes nouvelles obligations de trentenaire m’ont tenu assez éloigné de ce site décadant et vulgaire. Désormais, je me dois de me mettre en couple et, si j’en crois les discussions qu’on me fait subir, d’acheter un appartement avec !
Heureusement, ce week-end, on part entre mecs au ski. Et vu la période de merde ça va faire du bien !
J’en ai plus que plein le cul d’entendre des préceptes bien mignons du genre “il ne faut pas abuser des bonnes choses“, “toutes les bonnes choses ont une fin” et toutes ces conneries de pisse-froid qui nous font croire que nous vivrons vieux et heureux.
Une vielle tantine acariâtre et mal baisée m’a dit une fois “Alors c’est ça être jeune ? c’est s’exploser la tronche jusqu’à pas d’heure, se lever à midi le museau dans une bassine et remettre ça au Ricard dès le déjeuner ? Je vois vraiment pas l’intérêt…”. Faut bien le reconnaître, c’est pas très intelligent. Mais pour oublier les pignoufs dans son genre il vaut mieux y’aller avec quelque chose de sérieux.
Désormais adulte responsable, il est grand temps d’affronter le terrain comme un homme, avec ma bite et mon couteau. De fait, je me suis donc introspecté comme une petite pute écervelée.
En fait je crois que ce qui m’emmerde, surtout, c’est le changement de nos modes de vie, de nos façons de se recevoir, de concevoir les choses et nos discussions. Mais je dois être chelou avec l’évolution.
Ça a commencé avec le dépucelage. Je me rappelle avoir fait une fois ce constat nostalgique “putain j’ai plus de potes puceaux” comme si le fait que tous les copains aient fait sprinter l’unijambiste nous avait transformé en adultes.
Enfin bref, là le constat sur le relatif passage à l’âge adulte m’est apparu comme limpide à la suite d’une succession de soirée auxquelles j’ai eu la chance d’être convié.
Peut être que j’ai pas vu le temps passer ou que je suis un gros beauf arriéré, mais l’époque des bringues à la zob à 25 autour d’une table pleine de cendres, de verres publicitaires de vodka/pomme renversés et de miettes de Pringles me paraît pas si lointaine que ça. Alors bon, on est d’accord que ce type de soirée ne me ferait plus rêver aujourd’hui, faut pas déconner, mais là nous sommes surement tombés dans l’effet inverse.
Non parce que c’est fini l’époque où on se pointait avec sa quille de whisky, son paquet de clopes, qu’on se jetait sur un canapé et qu’on basculait des godets jusqu’à plus soif.
Quand on avait 20 piges, ça ressemblait plutôt à ça:
” Salut les gars, mes parents se sont barrés en week-end et du coup j’ai l’appart peinard ce soir. Venez avec qui vous voulez mais surtout armés jusqu’aux dents histoire qu’on se loupe pas. A 1H tout le monde dehors, migration vers un bar”.
C’était pas bien intelligent, on est d’accord, mais au moins l’objectif ainsi que la stratégie étaient clairement affichées.
Aujourd’hui les invitations ressemblent plutôt à ça:
“Hello tout le monde. On vous attend tous samedi soir à l’appart à partir de 20H30 pour un petit apéro dinatoire. Vos +1 sont évidemment convié(e)s. Nous nous occupons du diner, on vous laisse vous occuper du vin. Merci de nous confirmer votre présence avant vendredi. Bonne semaine à tous”.
Alors évidemment, au final, on ressort quand même plein comme des putes un jour de paye de marin, mais au vin rouge quoi…
Les occasions de nous rappeler que nous sommes désormais des adultes, que nous ne sommes plus des soiffards immondes et immatures, que nous avons des responsabilités, des jobs, des avis d’imposition et des premiers cheveux blancs sont suffisamment fréquentes pour nous laisser nous décheniller comme des gosses le week-end bordel !
Et puis alors depuis quelques mois, je ne peux pas me faire une seule soirée sans que je me fasse surprendre par la discussion qui me donne l’impression d’être un connard. Pourtant à la base tout se passait bien.
On commençait par une petite discussion boulot, admettons.
Puis la “maîtresse de maison” était venue nous demander un coup de main pour “toaster le foie gras”. Un peu too much mais ça reste gentillet.
Puis de retour au salon, pendant qu’on me sommait d’ouvrir une bouteille de champagne, un pote m’expliquait, faisant mine d’être au bout du scotch, avoir pris une cuite il y’a 4 jours et qu’il ne s’en était toujours pas remis. C’est bien triste mais oui, on vieillit un peu.
Et puis c’est là que le drame est arrivé, malheureusement pour la 12ème fois en 2 mois.
Parce que les mecs commencent à bien gagner leur vie, qu’ils ont une meuf, parfois même des gosses, qu’ils ont troqué les jeans Diesel contre des machins en velours côtelé framboise ou vert pomme “Y’a des soldes sur le site de Ralph Lauren” et que, malgré la crise, ils ont l’impression que l’avenir est radieux, il faut qu’ils causent comme des quarantenaires:
– Et toi alors ? Tu cherches pas à acheter un appartement ?
– Ecoute si, avec Margaux on cherche la. On est tombé sur un T3 hyper sympa, on va surement faire une offre la…
– Ah trop cool ! Vous avez un gros apport ?
– Oui, et puis là on a trouvé un prêt sur 20 ans avec un taux assez bas donc c’est le moment…
– Ah oui oui, c’est clairement le moment là, d’autant que les taux sont en train de remonter ! Et en plus dans ce quartier y’a une énorme opportunité de plus value donc trop bien quoi.
– Grave !! Et toi Buzz alors ? Tu cherches pas à acheter ?
Je veux pas faire la pleureuse ou avoir l’air de me sentir persécuté, mais sous couvert d’une question faussement anodine, on est d’accord qu’en lisant un temps soit peu entre les lignes, on pouvait comprendre aisément “Et toi alors tocard ? On joue toujours avec son caca ?”.
Premier coup de latte dans la gueule et, déjà, les bulles de champagne montent au cerveau en gueulant “tocard, attardé, fous toi un coup de pied au cul”.
– Ecoute, non pas encore. Tu sais ma boite est toute jeune, c’est compliqué d’arriver chez un banquier pour emprunter pour le moment, on verra dans 2 ans…
C’est ce que je répondais avec un petit sourire genre sûr de moi. Intérieurement, j’étais surtout en train de me dire que j’avais chié dans la colle, que j’étais en retard et que vu ma situation, autant dire à mon banquier “j’ai le SIDA qui en veut ?”.
La petite sauterie reprenait son cours, moi tentant d’oublier dans le whisky ce premier Trafalgar de la soirée, m’auto persuadant que de toutes façons moi aussi j’étais un adulte, eux continuant à parler taux d’intérêt, charges de copropriété et taxes foncières.
Mais c’est quand j’ai assisté au concours de bite autour de l’éternel sujet “J’ai 30 ans, je gagne bien ma vie, je me prends une BMW ou une Audi ?” que moi et ma Twingo on a décidé de rentrer foutre la viande dans le torchon.
De manière plus globale, on dit que la crise de la quarantaine vient de la comparaison que l’on fait entre l’homme qu’on voulait être et l’homme qu’on est. Je me suis jamais tellement penché sur la crise de la trentaine mais je serai pas surpris que ça vienne de la comparaison entre le post adolescent qu’on a été il y’a pas si longtemps et l’adulte que la société nous oblige à être.
Bien heureusement, ma santé psychologique va très bien. En fait, je voudrais juste qu’on arrête de me dire en permanence que j’ai plus l’âge pour ci et plus l’âge pour ça, que je vais me marier avec les premières divorcées ou avec les timbrées dont personne n’aura voulu, et surtout qu’à 30 ans, les bases doivent être posées.
Je sais que c’est la vérité, mais vos gueules.
Je crois que l’année prochaine, si je refais ma traditionnelle crise de la fin de l’hiver, je vais privilégier le bistro à l’introspection. On n’avancera pas plus vite, mais au moins on se fendra la gueule.
TGIF !!
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