TGIF – Thank God It’s Friday | L’effronté est Charlie

by • Jan 09, 2015 • T.G.I.F.Comments (1)5705

Bonjour à tous,

pardonnez cette sobriété mais cette semaine l’effronté n’a franchement pas le coeur à rire. Déjà parce qu’il est malade, maladie appelée “grippe” pour les filles et “gastro” pour les potes, voire même “chiasse” pour les bons copains, mais surtout à cause de cette barbarie qui a frappé notre beau pays.

Comme beaucoup de monde je suis Charlie.

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été de droite. Enfin plutôt de droite. Je suis né dans une famille a peu près catho, de naissance quoi, finalement par hasard. En fait quand on me demande je dis “agnostique” pour ne pas dire “athée”. Déjà parce que ça fait chier les cons qui connaissent pas ce terme et qui n’osent pas le dire, mais en plus parce que tout de suite ça fait chic. En gros “je crois en rien, mais pas comme tout le monde. Moi je crois en un être supérieur mais cherche pas c’est pas le tien. Et en plus je t’emmerde avec ton chapelet, ta main de fatma et ton shabbat qui nous empêche de boire des bières avec toi le vendredi soir.” 

Sachant faire la différence entre patriotisme et nationalisme, défenseur des traditions françaises qu’elles soient républicaines ou non, et surtout convaincu que nous sommes dans un pays où on ne meurt pas pour ses idées, ma seule religion est le respect d’un ordre juste pour que chacun puisse trouver un espace de vie conforme à ce qu’il souhaite. Rien ne me choque profondément, rien ne m’alarme, j’essaye de ne pas être raciste, de ne pas être trop con, de ne retenir que le bon chez chacun, de faire la synthèse des bons arguments de toutes les sensibilités politiques afin d’envisager un monde fraternel, moins détestable mais méritocrate où chacun devra se sortir les doigts pour s’en sortir. Mais avec l’assurance d’y arriver si on fait tout pour, sans risquer le délit de sale gueule.

Et pourtant. Ce beau pays dans lequel j’ai la chance d’habiter est pleine de tensions communautaires depuis quelques années. Les valeurs républicaines les plus pures qui animaient la majorité de nos concitoyens il y’a encore peu s’envolent, laissant place aux plus bas instincts de l’être humain que sont le repli sur soi, l’intolérance, la peur, l’esprit de clocher et le “c’était mieux avant”. Moi aussi je me surprends de temps en temps à employer le terme “bougnoule”, à dire pendant une discussion parlant d’insécurité, des phrases comme “je te demande pas la couleur des agresseurs je pense qu’on a tous compris”, ou adhérer à des blagues bien fines qui commencent par “c’est un noir et un arabe dans une cellule”. Bref, moi aussi, petit branlomane végétatif urbain, bercé dans un cocon qui ne se perce que très rarement, je peux être un gros con. Moi aussi, j’aurai pu me dire que ce qu’il se passé chez Charlie Hebdo ne me regarde pas, que c’est bien fait pour eux, que ces affreux gauchistes étaient des provocateurs, que ces dangereux terroristes ne sont que des bougnoules à éradiquer et que la France est un pays qui n’a que ce qu’il mérite.

Mais non, je ne me le dis pas aujourd’hui parce que la cause est bien trop grave.

Charlie Hebdo est un journal que personnellement je n’achète pas et ne feuillette que très rarement. Plouc que je suis, je n’achète plus de versions papiers des journaux depuis que je passe 19H par jour sur mon iPhone, si ce n’est l’Equipe les lendemains des grandes victoires afin, éventuellement, d’encadrer la Une pour le jour où j’aurai racheté le café des sports de Moutiers. Les idées défendues dans Charlie ne sont pas forcément les miennes et pour dire vrai, Philippe Val, ancien directeur, m’est toujours sorti par les yeux.

Pourtant, il est dans mon imaginaire l’illustration parfaite du premier principe républicain: la liberté d’expression.

Je me souviens, déjà, avoir eu peur pour eux lorsqu’ils avaient repris les fameuses caricatures de Mahomet faites par un journal danois il y’a quelques années. Le 11 Septembre avait déjà eu lieu, Ben Laden était encore vivant mais il n’y avait pas cette tension communautaire que nous connaissons aujourd’hui. Pourtant, blasphémer l’islam avait déjà un petit côté kamikaze.

Je ne défends personne ni aucune religion, simplement des valeurs de civilisation et de civisme pour que tout le monde puisse vivre sa vie. Du coup, la simple idée qu’un journal puisse provoquer un “OH !!” d’effarement m’amuse et les rend sympathiques à mes yeux. Charlie Hebdo est dans la gaudriole gauloise, sorte d’anarchie de gauche utopiste, n’ayant pas encore enterré complètement les idées soixante huitardes de ses fondateurs et de ses ancêtres d’Hara Kiri. Une société a besoin de rire et a besoin de poils à gratter. Ces journaux, comme peuvent l’être aussi Les Guignols de l’Info, Stéphane Guillon, ou même pourquoi pas Groland et Dieudonné sont des spectacles nécessaires pour rire de nous-mêmes et voir nos propres contradictions. Rappelons nous que le bouffon du roi se moquait de tout, mais surtout de la monarchie…

Au nom de cette liberté d’expression et de ses idées bien arrêtées, Charlie refuse la compromission et la publicité, tout comme le Canard Enchainé, et comme le disait malheureusement à très juste titre Charb “Je préfère mourir debout que vivre à genoux”. Il est en tous les cas mort sous les balles de dangereux fanatiques qui mènent une guerre d’un autre âge contre une société qui de toutes les façons sera plus forte qu’eux.

Qu’on soit clair, et ce sera la seule crotte de nez que j’envoie dans cette tirade, la liberté d’expression que tout le monde vient défendre depuis cette tragédie est un principe avec lequel nous ne devrions pas transiger. Pourtant, les mêmes qui pleurent, à raison, au nom du respect de cette liberté, ont souvent été les premiers à vouloir enfermer certaines personnalités en prison pour leurs prises de position sur certains dossiers. Eric Zemmour ou Dieudonné doivent se demander pourquoi ils n’ont pas eu droit à autant de mansuétude de la part de ces militants convaincus. Si on peut rire de tout, rions de tout. Il est vrai que dans leurs cas certaines sorties n’étaient pas du meilleur goût.

Bref pas de place à la polémique, cette liberté qui fait de la France un grand pays ne plait pas à certains maboules endoctrinés, bras armé d’une organisation luttant pour un Dieu qui ne lui demande rien et qui doit se demander pourquoi certaines de ses ouailles partent en couille à ce point.

Charlie Hebdo a toujours dérangé. A l’époque, il dérangeait surtout la vieille bourgeoise qui trouvait dans cette liberté de ton une attaque de sa France à elle. Leur humour est souvent couillu, ne m’amuse pas toujours mais mérite le respect car il ne recule pas devant les compromis du politiquement correct qu’on nous impose en permanence et qui m’emmerde.

Ado, je me souviens m’être demandé ce que voulait dire Bertrand Cantat et son groupe Noir Désir dans sa chanson “Un Jour en France” lorsqu’il disait “Un autre jour en France des prières pour l’audience, et quelques fachisans autour de 15%, Charlie défends moi”. Le Charlie en question était l’hebdo bien sûr, bouclier face aux extrêmes, face à la barbarie et garant d’une liberté de ton absolu.

Avec cet attentat, ce n’est pas seulement des hommes qui sont morts tragiquement, c’est aussi l’impertinence, l’insouciance, une certaine idée du journalisme et de la caricature, et aussi une époque.

La France est donc horrifiée. D’un naturel optimiste, je m’efforce depuis cette histoire de chercher des motifs de satisfaction et d’espérance. Adepte des réseaux sociaux, j’ai donc scruté Facebook et Twitter depuis cette histoire pour y chercher des infos, des témoignages et autres. Je ne pensais pas voir un jour autant de personnes de tous horizons s’unir de manière spontanée pour la même cause, arborant ce fameux visuel noir Je Suis Charlie , ou encore ces appels aux rassemblements dans toutes les grandes villes de France.

Cette tension qui est arrivée à son paroxysme hier a fait péter la soupape de décompression. C’est triste à dire mais il fallait que ça pète, comme après une journée d’été sous une chaleur accablante, on en vient à souhaiter un orage de compète pour que ça détende l’atmosphère. L’orage à pété dans la face de Charlie Hebdo et a mis à genoux 12 familles, un pays et une civilisation entière. Comment faire pour que ça ne soit pas arrivé pour rien ? Que l’orage laisse place à un peu de fraîcheur et au beau temps.

Je retiens ces 100 000 personnes rassemblées sur les places des grandes villes de France mercredi soir, ces centaines de milliers de “je suis charlie” sur les réseaux sociaux, je retiens le discours de John Kerry en Français, je retiens la minute de silence, crayon à la main, jeudi midi, je retiens toutes les radios de France diffusant de manière simultanée le fameux “Imagine” des Beatles pendant cette même minute, et je retiens cette unité nationale qui va nous faire du bien et montrer que nous sommes une grande nation, ayant envie et besoin de vivre ensemble dans notre diversité. Maintenant, il faut que ça dure…

Notre pays est cosmopolite et est arrivé à la croisée des chemins. Soit nous profitons de cet ignoble évènement pour continuer cette unité nationale et pour comprendre que nous allons être obligés de vivre ensemble pour que ça se passe bien, soit nous continuons à nous ignorer et nous ne sommes qu’au début de la guerre. C’est un peu comme si vous louiez une maison de vacances à une dizaine de personnes. Soit tout le monde communique et vous passerez des bonnes vacances, soit chacun vit en petits groupes de 2 ou 3 sans se soucier des autres et les vacances seront pourries.

Pour la première fois depuis ces 60 et quelques semaines que j’écris ce TGIF je n’ai pas de plan bien défini en amont dans ma tête et j’écris sans être sûr que mes phrases aient un sens. Ma plume est certainement maladroite mais je n’arrive pas à retranscrire tout ce que je ressens après cette tragédie. En clair, je ne supporte pas qu’on vienne chier devant ma porte.

Pour conclure tout en finesse ce que je pense à propos de ces évènements et des connards qui continuent de la ramener, je vous propose cette belle tirade de l’ami Jason Chicandier:

“Je ne sais malheureusement pas me battre, je ne sais pas dessiner non plus ou plutôt si mais je ne sais dessiner que des bites. Alors sachez qu’aujourd’hui je prends mon plus gros feutre et que je dessine des énormes bites partout. Je dessine des bites bien larges et bien veineuses sur le front des mecs qui disent « Bien fait », je dessine des bites bien dégoulinantes sur ceux qui vont utiliser cette ignominie pour développer une propagande qui insulte l’intelligence, je dessine des bites énormes et bien grasses sur ceux qui partent faire le Djihad, je dessine des bites au fromage sur les « cerveaux malades » qui fanatisent les esprits faibles, je dessine des bites au cutter sur le front des décérébrés qui voient en ces jours sombres une porte ouverte à la violence gratuite et je dessine des bites sur le fiandard des cyniques ou de ceux qui se foutent royalement de tout ça pensant ne pas être concernés.”

TGIF, vive la République, vive la liberté, vive les libertés même, vive la France, et la semaine prochaine je vous promets mes cadets que je vais tout faire pour qu’on se fende la gueule.

 

 

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