TGIF – Thank God It’s Friday | En voiture Simone

by • Jun 05, 2015 • T.G.I.F.Comments (0)2892

Chers amis bonjour,

Suant à grosses gouttes dans les tréfonds de mon bureau non climatisé, je suis tel le penseur de Rodin, le menton dans la main, rêvassant de siestes sur des plages ferret capiennes, bercé par le bruit des vagues et chatouillé par une légère brise marine rafraichissante. Je me vois allongé sur une Fouta n’ayant pour seule préoccupation que l’endroit dans lequel nous irons dîner ce soir avant de sortir.

Et bien non, je suis en chemise en jean qui colle, j’ai les aisselles qui débordent et je me dégoute tellement je chlingue la transpi. Sale temps pour les gros, je supporte pas la chaleur. Mais qu’est ce qui est pire que de bosser quand on crève de chaud ? Bosser quand on crève de chaud et qu’on a un peu trop arrosé la veille bien sûr…

Oui mes enfants, je n’ai pas honte de le dire, mais si je suis fatigué et physiquement mal en point en cette magnifique journée de fin de printemps, c’est qu’il m’est arrivé un évènement à la fois banal dans la vie d’un jeune majeur, mais même plus espéré dans la vie d’un quasi trentenaire: j’ai eu mon permis de conduire.

Quoi, nous nous connaissons bien et tu pensais que je l’avais ? Oui, je ne m’étais pas vanté de cette tare !

Quoi tu es une fille et je t’ai fais croire un soir que j’avais le permis ? Pardon, je voulais probablement te sauter.

Quoi je t’ai sauté ? Bah tu vois ça valait le coup que je te mente un peu.

Bref, si je roulais depuis 10 piges en scoot dans les rues de Lyon, qu’il pleuve, qu’il vente ou même qu’il neige, ce n’était pas juste parce que “le deux roues c’est tellement pratique en ville”, c’est juste que j’avais pas le choix.

A 16 ou 17 ans on a les premiers potes qui s’inscrivent, qui nous disent “Non désolé je dois aller au code” ajoutant “Putain c’est tellement chiant le code, je fais 15 fautes je l’aurai jamais”. 

N’étant pas d’un naturel ultra studieux ni ravi d’aller me rajouter des heures relous après une semaine d’internat, j’ai un peu laissé ça aux autres…

Et puis on enchaine le bac, les études supérieures, un stage en Irlande, un autre à Paris, une année d’échange en Estonie, une autre aux Pays-Bas, la vie active qui commence, les horaires à rallonge… et à 28 ans on se retrouve au milieu d’une bande de gosses dans une salle d’examen non climatisée et sentant bon le déodorant Brut, le parfum Tartine et Chocolat et le chewing-gum à la fraise tout droit sorti de la poche avant d’un sac Eastpak entièrement redécoré au Tipp-Ex. Joies de l’adolescence…

A 22 ans vous avez encore quelques potes qui ne disposent pas du fameux papier rose. Ne vous sentant pas d’aller passer des examens mais tout de même un peu honteux de votre situation de piéton, vous avez clairement les boules quand l’un de ces derniers irréductibles vous dit qu’il vient de passer de l’autre côté du miroir.

Les années avancent et vous êtes désormais le dernier boulet à vous faire systématiquement trimballer en soirée, en vacances, au golf ou au barbecue un peu excentré. Pas une semaine passe sans que vous soyez dans l’obligation de vous justifier devant un mec qui vous parle comme si vous étiez encore puceau à 45 ans.

– Quoi mais t’as pas le permis ??? Non mais tu déconnes ??? Oh les gars vous saviez qu’il avait pas le permis ???

Bref, après avoir épuisé toutes les excuses auprès de vos proches comme de votre propre conscience, à grands coups de “Franchement j’en ai pas le besoin”, de “En ville de toutes façons je ferai quoi avec une voiture ??” ou encore “Et bah comme ça au moins je risque pas de provoquer un accident”, il faut bien se rendre à l’évidence: vous êtes une merde de piéton de 28 piges qui ne pourra pas emmener ses gosses à l’école et qui va devoir sortir de l’église avec une voiture sans permis dans le cas où la démence vous pousserait un jour à prendre une épouse.

Du coup, un beau matin d’hiver, vous voici prêt à ouvrir la porte d’une auto-école, votre dossier sous le bras, prêt à se faire enseigner l’art de la conduite d’un véhicule de tourisme de catégorie B.

– Bonjour Madame, je viens pour m’inscrire au permis de conduire.

– Oui bien sûr, c’est pour le permis gros cube c’est ça ?

– Non, non, du tout, c’est pour le permis B. Voiture quoi…

La secrétaire, vous dévisageant des pieds à la tête et relisant votre date de naissance sur le dossier que vous venez de lui donner:

Ah oui d’accord. Vous êtes sous le coup d’une suspension de permis ou d’une annulation ?

Euh… non, je viens passer le permis.

Oui donc une annulation. Vous pouvez le repasser à partir de quelle date ? Votre jugement a été prononcé ?

Non mais on s’est mal compris. J’ai jamais eu le permis, je viens le passer pour la première fois la !

Vous sentez désormais de manière très claire qu’elle vous prend pour un arriéré. Vérifiant une dernière fois par acquis de conscience qu’elle avait bien lu votre date de naissance, celle-ci vous donne rendez-vous pour vos premiers cours, se disant qu’elle était encore tombée sur un cas soce.

Si le moniteur vous rassure tout au long des premières leçons, à coups de “l’avantage à ton âge c’est qu’on a la maturité pour conduire et qu’on est plus à l’aise, surtout toi avec ton scoot !” et que “T’inquiètes pas, on a régulièrement des gens qui se réveillent à 35 ou 40 ans et qui viennent nous voir parce qu’ils n’ont jamais passé le permis”, je vous garantie que vous vous sentez vraiment comme un connard le jour où vous passez le code au milieu des mioches de 17 ans qui vous regardent comme le diable en personne, persuadés eux-aussi que vous vous êtes fait gauler avec 3 grammes au volant.

Et puis vient un matin où vous vous levez un peu chancelant, après une nuit où vous avez mal dormi, avec la petite boule au ventre qui avait pourtant disparu depuis 10 ans tout pile et cette veille de début du bac. Vous avez 28 ans et vous stressez sur votre scooter 50 en vous rendant à votre auto-école pour passer votre permis.

Concentré comme jamais, oubliant d’enclencher la première tellement vous êtes stressé, tremblant en tenant le volant sur les premiers mètres, vous finirez par comprendre que vous avez été bons.

C’est marrant, mais lorsque quelques jours après l’auto-école m’a appelé pour m’annoncer la bonne nouvelle, j’ai eu pratiquement la même sensation de porte ouverte sur le monde que le jour des résultats du bac. Et putain, c’était il y’a 10 piges…

TGIF les copains, et si vous me croisez en caisse faites pas les cons, après 10 ans de frustration automobile j’ai très envie de foncer sur vos sales gueules !

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