J’ai été « faire les soldes » comme on dit. J’ai craqué. Pourtant cette hystérie collective autour de fringues bradées de la saison dernière n’est pas vraiment ma tasse de thé. Quel intérêt d’aller se bousculer dans des magasins sur-chauffés pour quelques rabais ? La guerre du cachemire.
J’imagine que cet instant de faiblesse est dû à la pression exercée par les magazines féminins qui essayent par tous les moyens de nous convaincre que CE PUTAIN DE SAC en peluche rose du chili et en soldes est le It-Bag de la saison (prix sur demande, toi-même-tu-sais). Sac qui devient tout bouffi une fois qu’on y a glissé ses clés de bagnoles et son paquet de blondes mais parce qu’à la base il était pas fait pour ça (qui a vraiment besoin de transporter des choses, franchement ?). En prime, dans deux mois le bag en question sera devenu trop has-been au profit du rat mort porté en bandoulière (LA tendance du printemps). Qu’importe. Je me suis donc rendue pour les fameuses soldes dans un temple de la consommation, un centre commercial, pour déambuler dans les allées, boire un « café » couvert de chantilly à 8 balles et 2000 calories et faire saigner ma carte bleue.
Me trouver des vêtements qui me vont est toujours une mission délicate. En soldes ou pas d’ailleurs. Non mais parce que laissez-moi vous décrire mon physique, ça vous aidera à visualiser. En gros, de loin, je ressemble plus à un pré-ado de 13 ans qu’à une femme à la vingtaine bien tapée. Cet air gringalet fait que 80% des vêtements qui me plaisent et que j’essaye me font ressembler à une balle de linge. Mais voilà que j’aperçois dans une vitrine une superbe robe de bombasse, un truc à faire bander un eunuque. Soldée à -40%. J’entre, je fonce vers la robe, je file en cabine. Pas manqué: le tissu baille de partout autour de mon petit corps de lâche, les manches sont trop longues, les épaules trop larges et je ne vous parle pas du décolleté. Mais la vendeuse se cristina-cordulise direct en me disant que ça me va trop bien et que je suis manifaïk. Calme-toi meuf. C’est sûr que quand une cliente essaye une fringue avec 3 chiffres sur l’étiquette bien que soldée, la vendeuse deviens un peu moins regardante et s’arrange avec la réalité. Surtout qu’elle touche une commission sur ses ventes et que le magasin ferme dans 30 minutes. Elle serait prête à dire que les leggings à paillettes me mettent en valeurs, pour peu que je les essaye.
De toutes les inventions de l’humanité les plus fantastiques, la cabine d’essayage est clairement en queue de peloton. L’Homme est capable d’envoyer une sonde sur une comète, de créer un coeur artificiel, de peindre le Radeau de la Méduse…. mais il ne sera jamais capable de concevoir une cabine d’essayage qui : 1) ferme correctement, 2) dispose de suffisamment de patères et d’étagères pour que vous puissiez y poser facilement tous vos vêtements, 3) n’est pas éclairée par les néons les plus horribles qui font impitoyablement ressortir tous vos défauts. Non. Ça c’est impossible. Il faut s’y préparer mentalement, jusqu’à la fin des temps tout le monde venu profiter des soldes verra votre cul à travers un rideau entrouvert, vous poserez votre jean à même le sol et vous constaterez, dépité, que vous êtes certainement la personne la plus laide du monde en vous mirant dans la blancheur d’une glace cruelle. Mobilisez-vous ! Finançons la recherche !
Une fois, une vendeuse qui devait vraiment me prendre pour la teubée du coin, m’a fait une démo de «comment porter un sac à main ». Je vous le donne en mille : par la anse prévue à cet effet ! Oh bordel ! Et moi qui ai porté mes sacs à mains en me les coinçant dans la raie du cul pendant toutes ces années comme une conne ! Quelle découverte ! Et tandis que je la regardait avec un air dubitatif, la madame me faisait l’article. « Il est très tendance et parfait pour les princesses gâtées bêcheuses dans votre genre. Regardez, il y a même une poche conçue spécialement pour transporter les couilles de votre mec tout en les ayant à portée de main. Et il est en soldes. -70% ». Mais c’est parfait ! J’achète !
Je regarde les étiquettes barrées de réductions et après un rapide calcul, je réalise que je vais devoir me nourrir de pâtes jusqu’à la fin du mois (des pâtes avec du GLUTEN DEDANS bordel), renoncer au brunch du dimanche et à l’after-work mojito de jeudi, mais bon, je passe à la caisse. Et là, LA phrase préférée des caissières. « Vous avez la carte de fidélité ? ». Alors ma petite je t’explique, je ne suis fidèle qu’à trois choses dans l’absolu : le thé earl grey, mon parfum JPG, le tournois de Roland Garros… Mais la miss ne se démonte pas « Vous la voulez? Une fois que vous aurez cumulé 2 millions de points à raison de 1/3 de point tous les 150€ d’achats vous aurez 2% de réductions pendant une demie-journée une fois l’an sur nos produits signalés en magasin qu’on arrive pas à vendre en soldes » « Euh…. » « Elle est gratuite. » « Bon OK .». Laquelle de mes identités secrètes vais-je pouvoir décliner cette fois-ci ? Oui, c’est mon petit côté parano. Une peur panique que la NSA connaisse mon amour immodéré pour les pompes hors de prix. Ils pourraient prendre ça pour un signe de radicalisation, je sais pas. Bref. La meuf renseigne sans sourciller mon nom (Consuela Bananahammock) et mon adresse email poubelle ( sexykitty69@yahoo.fr) que je vide une fois par mois sans ouvrir aucun mail.
Avant que je parte, la vendeuse prend le temps de me lire la petite pensée imprimée en bas du ticket de caisse. Oui, c’est la nouvelle tendance dans les magasins qui se veulent branchés. Le niveau philosophique est comparable au statut Facebook d’une collégienne en mal d’intégration sociale. Certainement une façon de nous déculpabiliser de notre comportement compulsif et consumériste. Putain j’ai acheté un sac en peau d’animal, fabriqué à la main par un enfant asiatique dans une usine qui rejette des tonnes de produits chimiques dans la rivière du coin. Mais tout va bien les gars, j’ai pris 10 secondes pour réfléchir au vrai sens du bonheur grâce à une citation sur un ticket de caisse. Ouf ! God bless our souls ! God bless our soldes !
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