TGIF – THANK GOD IT’S FRIDAY | Réunionite aiguë

by • Jul 01, 2016 • T.G.I.F.Comments (0)4236

Salut les coquins,

Après bien des encombres et des embuches, nous voici désormais au mois de juillet, mois du Tour de France, des camps scouts, des petits-enfants qui vont se baigner chez leurs grand-mères, des adolescents qui polluent les parcs par leur simple présence et des honnêtes travailleurs qui en ont plein le cul de bosser.

Bref, les aoûtiens ont déjà quasiment rangé leur main droite dans leur froc tandis-que les Juillettistes ont mis la caravane sur la boule et la grosse mâle sur le coffre de toit.

Je fais clairement parti de la première catégorie, de ceux qui bossent en juillet tant qu’il y’a encore un peu d’oseille à gratter puis qui se tirent en Août parce que définitivement, “Lyon en Août, moi ça me déprime”. 

Je sais, cette phrase fait connard prétentieux mais pour de vrai Lyon au mois d’Août me déprime. Déjà parce que j’ai une phobie des petits panonceaux “Congés annuels” sur les vitrines, que traverser la ville pour trouver un paquet de clopes et une baguette me donne vraiment l’impression d’être le seul connard à bosser, que globalement, on se fait méga chier, et aussi parce que Juillettiste ça fait quand même blaireau.

Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi le Juilletiste pâtit d’une image de gros plouc en France. Quand quelqu’un me dit qu’il est Juillettiste, je l’imagine immédiatement en claquettes à picots façon maître nageur de camping, le même moule bite que Philippe Lucas et la coupe de cheveux de Tony Vairelles. Si ces personnages manquent à votre culture, je vous laisse le soin de vous documenter sur Google.

Enfin tout ça pour dire que pour bibi, les vacances ne sont pas pour tout de suite et qu’en attendant de partir se faire rôtir les miches ailleurs, il va encore falloir mettre le bleu de chauffe.

C’est d’ailleurs pour cette raison que je me trouve actuellement dans un TGV fonçant à tout berzingue en direction de Paris Gare de Lyon, où des gens ont envie de me voir histoire de savoir s’ils vont me filer de quoi bouffer pour la prochaine saison.

Cette décision, très importante pour moi, se jouera évidemment à la suite d’une réunion durant laquelle chacun exposera sa vision des choses à propos du passé, du présent et de l’avenir, où le décideur laissera tout le monde jacter pour ne rien dire avant de trancher dans le vif et d’en arriver à une conclusion qui ne méritait sans doute pas de passer autant de temps à se renifler le cul.

Cette maladie de se foutre autour d’une table pendant des heures pour se donner l’impression d’avoir révolutionner la théorie du Big Bang se nomme la réunionite aigüe et peut engendrer plusieurs sortes de paralysie. Mentale déjà, mais aussi économique.

Cocorico, il parait que ce cancer pour les entreprises soit devenu une véritable spécialité nationale dans notre beau pays, toutefois encore devancé par la blanquette de veau et le gratin dauphinois.

Mais alors concrètement, qu’est que la réunionite aiguë ? Est-ce que certains secteurs sont plus touchés que d’autres ? Est ce que cela concerne uniquement les salariés d’une entreprise ou est ce qu’on peut s’adjuger le droit de casser également les couilles à ses prestataires ? Nous allons tout vous expliquer.

Pour définir cette maladie grave qui, je le répète, peut conduire à la paralysie mentale et/ou à la liquidation judiciaire, nous tenterons de faire simple.

Vous vous réunissez une fois par semaine avec l’ensemble de vos collaborateurs pour faire le point sur les dossiers en cours et mettre en commun une idée de stratégie globale pour votre entreprise ? Vous mettez en place des indices de performances, définissez un ordre du jour et instaurez des deadlines ? Bravo, vous gérez simplement votre boite correctement.

Vous décrétez des réunions tout le temps et irrégulièrement pour remplir votre emploi du temps, montrer qui est le patron, faire des blagues salaces à vos collaborateurs et mater le décolleté de la nouvelle assistante marketing ? Vos réunions n’ont ni queue ni tête, ne servent à rien si ce n’est à interrompre tout le monde pendant son job, ne donnent lieu à aucune amélioration ni même à un compte rendu pouvant servir de trame à un nouvel axe pour l’entreprise ? Bim. Vous souffrez de réunionite aiguë et, d’ailleurs, tout le monde dans votre entreprise le dit, ce qui vous fait bien passer pour un con auprès de vos collaborateurs.

En clair, si vous vous situez dans la deuxième catégorie, la réunion sert à prolonger le week-end ou à vous mesurer la bite entre collègues.

Dans ces boites touchées par cette affreuse maladie, tout le monde redoute ces réunions qui se passent invariablement de la même façon.

Ça commence par un mail groupé:

“Bonjour à tous,

Réunion à 14H en salle de conférence pour faire un point global. Présence obligatoire.

A tout à l’heure,

Mr X”.

Les effets produits par cette missive virtuelle différent selon le niveau d’ancienneté, le niveau hiérarchique, le niveau intellectuel mais surtout émotionnel des destinataires.

Evidemment, pour des petites assistantes pas forcément sereines, l’idée de venir démontrer en réunion qu’elles ne branlent officiellement rien de leur journée, ça peut faire tachycarder. En revanche, vous entendrez toujours le mec sûr de son fait, dans la boite depuis toujours et très pote avec le patron, bien qu’il s’en défende, dire plusieurs fois et à voix haute, pour bien faire comprendre qu’il n’a rien à craindre: “Sans déconner, je suis sous l’eau là, j’ai pas le temps pour ces réunions maintenant…”

Me concernant, et si je peux me permettre de donner mon avis, j’ai déjà reçu ce genre de mails 30 fois. Et systématiquement, je le routais vers les 3 ou 4 collègues qui pensaient comme moi en écrivant “Qui vient avec moi acheter un cahier de mots fléchés entre midi et deux ?”. 

Même si dans 90% des cas, ces réunions n’ont aucun intérêt puisque n’ont ni ordre du jour ni objectifs, j’ai peu à peu compris qu’il était important d’observer ce qu’il se passait. Et, même si là aussi, beaucoup de patrons ou petits chefs convoquent des réunions uniquement pour se donner l’impression d’être importants, je suis persuadé qu’ils en retirent de précieuses informations sur les gens qu’ils emploient.

Ils observent les différences de comportement, de caractère, la gestion du stress…

Comme dans une salle de classe, il y’aura les bons élèves, les lèches pompes, ceux qui font tout pour y’arriver mais qui se prennent systématiquement un taquet, et les cancres.

En général, les bons élèves et les cancres ont au moins un point commun: celui de pas pouvoir supporter ces réunions. Les premiers parce qu’ils ont compris qu’elles ne servaient à rien et parce que ça les interrompait pendant leur boulot, et les cancres parce qu’ils risquent probablement de se prendre un taquet à force de rien branler.

Toutes les catégories ont en revanche compris un truc essentiel avant d’arriver en réunion: se pointer avec de quoi prendre des notes.

Ce truc de la prise de notes en réunion est la plus grande escroquerie intellectuelle du monde de l’entreprise. Non, vous n’allez pas vous servir de votre cahier pour noter un truc capital pour l’avenir de votre boite et de votre carrière. D’une parce qu’une réunion ne fera jamais avancer votre carrière, et de deux parce que le patron aura forcément fait venir sa petite assistante pour prendre des notes, dans l’optique d’envoyer par mail le fameux compte-rendu de cette mascarade.

Il n’oubliera d’ailleurs pas de lui dire 3 fois pendant la réunion, en général lorsqu’il aura eu l’impression de prononcer une phrase historique ou un truc à peu près intelligent.

– Donc Messieurs, dans l’hypothèse où nous ferions finalement appel aux services de ce fameux prestataire, je vous demanderai bien sûr de lui faciliter la tâche, et donc de mutualiser le kick-off lors de la mise en service de son outil.”

Tenez Margaux, vous notez bien ça pour le compte rendu de la réunion hein ?”

– Noter quoi Monsieur ?

– Qu’on doit mutualiser le kick-off !!!

Du coup, le seul intérêt de prendre des notes en réunion est de faire passer le temps. Les plus doués dessinent, d’autres affinent leur to do list de la semaine, certains établissent un classement de leurs ex quand d’autres dresseront une liste de leurs amis sur lesquels ils pourront compter en cas de coup dur.

En revanche, pour les lèches pompes, la réunion est toujours un excellent moyen de se faire mousser. Dans le milieu de la com, pour se la donner en réunion alors qu’on n’a pas branlé grand chose, c’est pas super super compliqué. Il suffit d’être bon orateur, d’avoir de l’aplomb, et surtout de connaitre deux ou trois anglicismes qui ne veulent rien dire.

Toutefois, lorsque vous êtes le provincial de service dans une réunion à Paris, ce qui est mon cas aujourd’hui, faites le contraire et affirmez votre côté France profonde face à ce connard de Parisien snobinard. Ça vous donnera un petit air touchant qui conforteront les gens de la capitale dans leurs clichés. Puis, une fois que l’odeur de la bouse et de fumier sera passée, portez le coup de grâce avec du vocabulaire ultra précis et qualifié.

Vous verrez dans leurs yeux comme une admiration, du type “Putain, le mec est un paysan de la campagne mais il s’y connait”. 

C’est surtout simple lorsque vous êtes le prestataire d’une entreprise et que vous êtes invités à une réunion chez l’un de vos clients. Sauf si vous bossez comme une merde, il est toujours plus facile de venir ramener sa fraise avec des données, des statistiques et des mots clés incompréhensibles lorsque vous êtes un prestataire externe que lorsque vous êtes un salarié.

– Ah bonjour Adrien, je suis ravi de vous rencontrer, vraiment ! Vous avez donc pu venir à Paris pour la réunion, top ! 

– Bonjour. Oui, on m’a fait venir à la capitale pour vous rencontrer manifestement. 

– Oui, super ! Vous arrivez d’où déjà ? Dans l’est non ?

– Sud-Est ! Lyon ! 

– Ah bah super, comme ça vous avez le TGV c’est rapide pour venir nous voir ! Bref, asseyez-vous, nous disons donc que nous allions avoir besoin de votre société pour gérer notre communication en province… Enfin en régions quoi ! Nous avons impérativement besoin d’un traffic manager, vous avez ça en stock ?

– Un traffic manager ? Qu’est ce que c’est que ça ? Encore un métier qui n’a pas traversé la Loire non ?! En revanche si vous souhaitez quelqu’un pour vous aider à comprendre vos données Analytics, j’ai ça oui. Bref, j’ai donc amené vos statistiques de trafic social media, taux de reach, DATA, ainsi qu’un point sur l’évolution de votre référencement SEO qui a d’ailleurs pas mal bougé grâce à deux ou trois petites actions menées sur vos méta desc et vos focus keywords.

Emballé, c’est pesé. Non seulement tout ce que vous avez dit est parfaitement vrai et vérifiable, mais en plus votre auditoire vous prend pour Dieu le père, comme si vous veniez d’opérer à coeur ouvert.

Mais surtout, vous aurez passé 2 heures autour d’une table pour rien. Au mieux, vous vous serez fait une belle séance de masturbation intellectuelle autour de votre nombril, et au pire, vous aurez fait votre liste de courses.

Ceci dit, la réunionnite frappe partout, à Paris comme ailleurs. Lorsque j’étais salarié et que j’avais à me taper cet exercice aussi inutile que fastidieux, je le prenais comme une récréation. Je me disais que j’allais passer 2H à être payé à rien foutre, si ce n’est écouter le vénérable Chef façon Radio Fidel Castro, même si j’allais certainement devoir à un moment ou à un autre parler un peu plus fort histoire de passer pour celui qui a raison.

Désormais patron, je ne comprends même pas qu’un manager puisse penser une seconde que le fait d’interrompre ses salariés en plein boulot pour ne rien dire puisse apporter quelque chose de positif.

La réunionnite nuit à la productivité d’un salarié, et donc à son sentiment d’utilité dans l’entreprise, à la compétitivité d’une boite, et à l’autorité d’un patron ou manager qui passera inévitablement pour un connard, un fainéant, un casse-couilles ou un petit Chef autoritaire.

Et puis sans blague, si l’idée est de se mesurer la teub en parlant le dernier pour être sûr d’avoir raison, autant se retrouver au bistro, au moins on s’hydratera le fond de la glotte.

TGIF les copains !

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